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<h2><strong>Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)</strong></h2>
<h2><span style="color: #ff0000;"><strong>5 graines par sachet.</strong></span></h2>
<p><span>La </span><b>mandragore</b><span> ou </span><b>mandragore officinale</b><span> (</span><i>Mandragora officinarum</i><span>) est une </span>plante herbacée<span> </span>vivace<sup id="cite_ref-A_1-0" class="reference">1</sup><span>, des pays du pourtour </span>méditerranéen<span>, appartenant à la famille des </span>solanacées<span>, voisine de la </span>belladone<span>. Cette plante, riche en </span>alcaloïdes<span> aux propriétés </span>hallucinogènes<span>, est entourée de nombreuses </span>légendes<span>, les anciens lui attribuant des vertus </span>magiques<span> extraordinaires.</span></p>
<h3><span class="mw-headline" id="Nom_scientifique">Nom scientifique</span></h3>
<p>Dans la première édition de<span> </span><i>Species Plantarum</i><span> </span>en<span> </span>1753,<span> </span>Linné<span> </span>ne reconnaît qu'une espèce de mandragore qu'il nomme<span> </span><i>Mandragora officinarum</i>. Mais dans des publications ultérieures (1759, 1762), en raison de sa ressemblance avec la<span> </span>belladone<span> </span>(<i>Atropa belladonna</i>), il change d'avis et la dénomme<span> </span><i>Atropa mandragora</i><sup id="cite_ref-ungricht_2-0" class="reference">2</sup>. Au<span> </span><abbr class="abbr" title="19ᵉ siècle"><span class="romain">xix</span><sup>e</sup></abbr> siècle et au début du<span> </span><abbr class="abbr" title="20ᵉ siècle"><span class="romain">xx</span><sup>e</sup></abbr> siècle, les botanistes ont multiplié les descriptions de nouvelles espèces et sous-espèces du genre<span> </span><i>Mandragora</i>. La tendance ne s'est inversée qu'après 1950 et a abouti en 1998, avec la révision du genre<span> </span><i>Mandragora</i><span> </span>proposée par Ungricht<span> </span><i><abbr class="abbr" title="et alii (et d’autres)" lang="la">et al.</abbr></i><sup id="cite_ref-ungricht_2-1" class="reference">2</sup>, à un genre ne comprenant que trois espèces : la Mandragore officinale (<i>M. officinarum</i><span> </span>L.), la mandragore sino-himalayenne (<i>M. caulescens</i><span> </span>C. B. Clarke) et une mandragore très localisée dans le<span> </span>Turkménistan,<span> </span><i>Mandragora turcomanica</i><span> </span>Mizg.</p>
<h3><span id=".C3.89tymologie"></span><span class="mw-headline" id="Étymologie">Étymologie</span></h3>
<p>Le terme français de « mandragore » vient du latin<span> </span><i>mandragoras</i>, lui-même tiré du grec<span> </span><span class="lang-grc" lang="grc">μανδραγόρας</span><span> </span>(mandragóras). Ces trois termes désignent la même plante dans ces différentes langues. L'étymologie du mot grec est obscure. Pour certains, le grec « mandragoras » viendrait du nom de la mandragore en assyrien<span> </span><i>nam. tar. ira</i>, morphologiquement « la drogue (mâle) de Namta », Namta étant un démon pestilentiel provoquant des maladies<sup id="cite_ref-lequellec_3-0" class="reference">3</sup>. Pour d'autres, l'origine viendrait du sanskrit<span> </span><i>mandros</i><span> </span>signifiant « sommeil » et<span> </span><i>agora</i><span> </span>signifiant « substance<sup id="cite_ref-ungricht_2-2" class="reference">2</sup> ».</p>
<h3><span class="mw-headline" id="Synonymes">Synonymes</span></h3>
<ul>
<li>Voir aussi<span> </span>Wikispecies.</li>
</ul>
<table>
<tbody>
<tr>
<td>Atropa mandragora L., 1759, nom. illeg.</td>
<td>Mandragora foemina Garsault, 1764.</td>
</tr>
<tr>
<td>Mandragora mas Garsault, 1764.</td>
<td>Mandragora acaulis Gaertn., 1791.</td>
</tr>
<tr>
<td>Atropa humilis Salisb., 1796.</td>
<td>Atropa acaulis Stokes, 1812.</td>
</tr>
<tr>
<td>Mandragora autumnalis Bertol., 1820.</td>
<td>Mandragora vernalis Bertol., 1824.</td>
</tr>
<tr>
<td>Mandragora praecox Sweet, 1827.</td>
<td>Mandragora neglecta G. Don ex Loudon, 1830.</td>
</tr>
<tr>
<td>Mandragora microcarpa Bertol., 1835.</td>
<td>Mandragora haussknechtii Heldr. 1886.</td>
</tr>
<tr>
<td>Mandragora ×hybrida Hausskn. & Heldr. 1886.</td>
<td>Mandragora hispanica Vierh. in Osterr. 1915.</td>
</tr>
</tbody>
</table>
<h2><span id="Propri.C3.A9t.C3.A9s"></span><span class="mw-headline" id="Propriétés">Propriétés</span></h2>
<h3><span class="mw-headline" id="Description">Description</span></h3>
<div class="thumb tright">
<div class="thumbinner"><img alt="Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)" src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/a4/Mandragore_officinale_fruits.jpg/170px-Mandragore_officinale_fruits.jpg" decoding="async" width="170" height="258" class="thumbimage" srcset="//upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/a4/Mandragore_officinale_fruits.jpg/255px-Mandragore_officinale_fruits.jpg 1.5x, //upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a4/Mandragore_officinale_fruits.jpg 2x" data-file-width="337" data-file-height="511" title="Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)" />
<div class="thumbcaption">
<div class="magnify"></div>
Fruits</div>
</div>
</div>
<p>La mandragore méditerranéenne présente un important contraste entre la touffe et la<span> </span>racine. La plante, haute d'une trentaine de centimètres, dégage une odeur très forte. C'est une herbacée banale, pratiquement sans tige.</p>
<p>La<span> </span>racine, brune à l'extérieur, blanche à l'intérieur, est du type<span> </span>pivotant, est souvent lignifiée et peut atteindre après plusieurs années des dimensions impressionnantes (jusqu'à 60 à 80 centimètres et plusieurs kilogrammes). Sa forme souvent<span> </span>anthropomorphe<span> </span>(ses ramifications lui donnant une vague apparence humaine, avec un<span> </span>tronc, des jambes et même — en étant imaginatif — une tête et un sexe), est à l'origine de nombreuses<span> </span>légendes. On parlait autrefois de racines « mâles » et « femelles », mais cela ne correspond pas à une réalité botanique, la plante n'étant pas<span> </span>dioïque. Les vieux sujets peuvent s'enfoncer à plus d'un mètre dans la terre et sont donc difficiles à arracher.</p>
<p>Les feuilles sont grandes (au maximum 45 <abbr class="abbr" title="centimètre">cm</abbr><span> </span>de long),<span> </span>elliptiques à obovales, molles, de forme et de taille très variables. Elles ont un<span> </span>limbe<span> </span>entier à bord sinueux et sont étalées en rosette sur le sol<sup id="cite_ref-4" class="reference">4</sup>.</p>
<p>La fleur a une<span> </span>corolle<span> </span>formée de cinq pétales soudés à la base (campanulée) de 12-65 <abbr class="abbr" title="millimètre">mm</abbr><span> </span>de long, de couleur blanc verdâtre, bleutée ou pourpre. Les<span> </span><span class="nowrap">5 étamines</span><span> </span>sont fixées à la partie inférieure de la corolle. La floraison se fait de septembre à avril, suivant l'abondance des pluies. Pour Ungricht et coll.<sup id="cite_ref-ungricht_2-3" class="reference">2</sup>. « Il est évident qu'il n'y a véritablement qu'une période étendue d'activité reproductive allant de l'automne au printemps. En fait, c'est seulement durant les mois les plus chauds de l'été que le cycle s'interrompt. Lorsque les conditions sont favorables, le même individu peut fleurir deux fois dans l'année, comme l'attestent les annotations des herbiers, en particulier des formes cultivées dans les jardins botaniques ». Il faut donc renoncer à la distinction faite par Sprengel en 1825, entre une mandragore de printemps (<i>M. vernalis</i>) et une autre d'automne (<i>M. automnalis</i>).</p>
<p>La mandragore donne naissance à des<span> </span>baies<span> </span>jaunes ou rouges à maturité, de trois à cinq centimètres de diamètre, globuleuses à ellipsoïdes. Ces fruits juteux sont comestibles en quantité modérée<sup id="cite_ref-5" class="reference">5</sup>. Les graines de 2,5 à 6 <abbr class="abbr" title="millimètre">mm</abbr><span> </span>de long, sont réniformes, jaunes à brun clair.</p>
<h3><span class="mw-headline" id="Distribution">Distribution</span></h3>
<p>La mandragore est originaire du<span> </span>bassin méditerranéen<sup id="cite_ref-ungricht_2-4" class="reference">2</sup> :<span> </span>Afrique du Nord :<span> </span>Algérie,<span> </span>Maroc,<span> </span>Tunisie ; Europe méridionale :<span> </span>Italie,<span> </span>Grèce, ex-Yougoslavie,<span> </span>Espagne,<span> </span>Portugal) et<span> </span>Proche-Orient<span> </span>(Palestine,<span> </span>Israël,<span> </span>Jordanie,<span> </span>Liban,<span> </span>Syrie,<span> </span>Turquie,<span> </span>Chypre. On ne la trouve ni en France continentale, ni en Corse. Elle croît dans les bois ouverts, les oliveraies, les jachères, les bords de routes et les ruines. Cette plante est devenue très rare, même dans son aire d'origine. Les populations sont dispersées dans le domaine et certaines sont même vulnérables, comme celles du nord de l'Italie.</p>
<h3><span class="mw-headline" id="Culture">Culture</span></h3>
<p>La mandragore demande pour se développer un sol profond, non pierreux, frais, sans être excessivement humide. Le sol doit être extrêmement riche, un compost de feuilles et de fumier très décomposé par exemple. L'exposition doit être ensoleillée.</p>
<p>Les<span> </span>semis<span> </span>se font en automne, dans des pots suffisamment hauts, ou en pleine terre ; le<span> </span>substrat<span> </span>doit rester frais, et la<span> </span>germination, pas toujours facile, a lieu en mars l'année d'après. La plante rentre en repos en juin et juillet, toutes les feuilles disparaissent alors (il faut impérativement marquer l'emplacement des plantes dans le cas d'une plantation en pleine terre).</p>
<p>Un moyen efficace de faire germer les graines consiste à les<span> </span>stratifier, en les plaçant simplement dans le bac à légumes d'un<span> </span>réfrigérateur<span> </span>trois jours avant le semis. Cela permet aussi de les semer en début d'année avec pratiquement 100 % de germination.</p>
<h3><span id="Propri.C3.A9t.C3.A9s_pharmacologiques"></span><span class="mw-headline" id="Propriétés_pharmacologiques">Propriétés pharmacologiques</span></h3>
<p>Les analyses<sup id="cite_ref-6" class="reference">6</sup><span> </span>des différentes parties de la mandragore méditerranéenne ont donné les<span> </span>alcaloïdes tropaniques : Les alcaloïdes sont pour la plupart des esters d'un alcool tropanique et d'un acide. L'alcool tropanique peut être : le<span> </span>tropanol<span> </span>ou le scopanol (= scopoline), un tropanol<span> </span>époxydé<span> </span>c'est-à-dire avec un pont oxygène. Ces alcaloïdes ont la propriété de se transformer assez facilement les uns en les autres.</p>
<p>Il a été trouvé : R, S-hyoscyamine (atropine), 0,2 %, la plus grande concentration d'atropine se trouve dans la racine durant la floraison (Bekkouche at al 1994),<span> </span>hyoscyamine, norhyoscyamine,<span> </span>apotropine, belladonnines (présentes dans la racine sèche mais non décelées dans la racine fraiche),<span> </span>scopolamine<span> </span>(ou L-hyoscine), scopanol, 3α-tigloyloxytropine, 3,6-ditigloyloxytropane,<span> </span>calystégines<span> </span>A3, A5, B1, B2,B3, B4, C1 (plus concentrés dans les feuilles que dans les racines)</p>
<ul>
<li>autres alcaloïdes :</li>
</ul>
<p>cuscohygrine (=mandragorine), composé présent chez les daturas, belladone et dans la feuille de coca</p>
<ul>
<li>coumarines</li>
</ul>
<p>herniarine,<span> </span>ombelliférone, angelicine, scopolétine, scopoline, acide chlorogénique</p>
<ul>
<li>composés volatils des fruits</li>
</ul>
<p>butyrate d'éthyle 22 % (odeur d'ananas),<span> </span>hexanol<span> </span>9 % (à l'arôme herbacé), acétate d'hexyle 7 % (odeur fruité, de fines herbes), composés soufrés, 7 %</p>
<p>La plante est riche en<span> </span>alcaloïdes<span> </span>psychotropes (environ 0,4 % d'alcaloïdes totaux) et autres composants<span> </span>nocifs. Ces substances<span> </span>parasympatholytiques<span> </span>entraînent notamment une<span> </span>mydriase<span> </span>et des<span> </span>hallucinations<span> </span>suivies d'une<span> </span>narcose. Il s'agit d'atropine, de<span> </span>scopolamine<span> </span>(premier sérum de vérité), et surtout d'hyosciamine. En théorie, ces molécules peuvent être à l'origine d'une<span> </span>intoxication<span> </span>mortelle.</p>
<p>Diverses présentations sont décrites pour l'utilisation de cette plante. Le<span> </span>suc<span> </span>est extrait de la tige, des feuilles ou du fruit ; la<span> </span>racine<span> </span>est débitée en rondelles et présentée sous forme d'alcoolat<span> </span>dans du<span> </span>vin<span> </span>de<span> </span>miel ; les fruits peuvent être consommés séchés. De multiples vertus<span> </span>thérapeutiques<span> </span>lui sont attribuées.</p>
<h2><span class="mw-headline" id="Histoire">Histoire</span></h2>
<p>Par sa composition chimique, elle est notamment<span> </span>sédative<span> </span>et narcotique<sup id="cite_ref-A_1-1" class="reference">1</sup>,<span> </span>antispasmodique,<span> </span>anti-inflammatoire<span> </span>(en<span> </span>cataplasme),<span> </span>hypnotique<span> </span>et<span> </span>hallucinogène. Elle présente des propriétés<span> </span>aphrodisiaques<sup id="cite_ref-7" class="reference">7</sup><span> </span>lui conférant une vertu fertilisante, et des propriétés sédatives dont<span> </span>Platon<span> </span>parle dans<span> </span><i>La République</i><sup id="cite_ref-8" class="reference">8</sup><sup class="reference cite_virgule">,</sup><sup id="cite_ref-9" class="reference">9</sup></p>
<p>Dans le<span> </span>calendrier républicain<span> </span>français, le<span> </span><abbr class="abbr" title="Vingt et unième">21<sup>e</sup></abbr> jour du mois de<span> </span>ventôse, est officiellement dénommé « jour de la Mandragore ». Les effets hallucinogènes remarquables de la plante, ainsi que la capacité qu'ont ses principes actifs de pouvoir aisément traverser la<span> </span>peau<span> </span>et de passer dans la<span> </span>circulation sanguine, expliquent certainement pourquoi les<span> </span>sorcières<span> </span>du<span> </span>Moyen Âge, qui s'enduisaient les<span> </span>muqueuses<span> </span>et les<span> </span>aisselles<span> </span>à l'aide d'un onguent à base de mandragore, entraient en<span> </span>transe. La plante était également utilisée par les guérisseuses, notamment pour faciliter les<span> </span>accouchements, mais aussi contre les morsures de<span> </span>vipère. On trouve à partir du<span> </span><abbr class="abbr" title="9ᵉ siècle"><span class="romain">ix</span><sup>e</sup></abbr> siècle dans la littérature médicale la description de narcose par inhalation d'une<span> </span><span class="citation">« éponge soporifique »</span>. Une série de recettes allant du<span> </span><abbr class="abbr" title="9ᵉ siècle"><span class="romain">ix</span><sup>e</sup></abbr><span> </span>au<span> </span><abbr class="abbr" title="16ᵉ siècle"><span class="romain">xvi</span><sup>e</sup></abbr> siècle et provenant de divers pays nous sont parvenues. La plupart se trouvent dans des manuels de chirurgie ou dans des antidotaires<sup id="cite_ref-Baur_10-0" class="reference">10</sup>. L'antidotaire<span> </span>de Bamberg, Sigerist comporte de l'opium, de la mandragore, de la ciguë aquatique (cicute) et de la jusquiame. Au<span> </span><abbr class="abbr" title="12ᵉ siècle"><span class="romain">xii</span><sup>e</sup></abbr> siècle, à l’école de médecine de Salerne,<span> </span>Nicolas de Salerne<span> </span>(Nicolaus Praepositus), pronait aussi dans son<span> </span><i>Antidotarium</i><span> </span>l'usage d'une éponge soporifique<sup id="cite_ref-Buck_11-0" class="reference">11</sup><span> </span>(<i>spongia soporifera</i>) dans certaines opérations chirurgicales.</p>
<p>En 1680, la mandragore est retrouvée dans la composition du baume Tranquille (du nom du cordonnier qui l'aurait inventé) pour les rhumatismes. Elle est associée à d'autres solanacées toxiques : la<span> </span>jusquiame noire, la<span> </span>belladone, la<span> </span>morelle<span> </span>et la<span> </span>stramoine. La formule ayant évolué au fil des siècles, la mandragore n'est plus présente dans la version du codex de 1949<sup id="cite_ref-12" class="reference">12</sup>. La mandragore est utilisée dans la<span> </span>médecine anthroposophique<span> </span>où elle apparaît dans une pommade contre les douleurs musculaires et dans le<span> </span><i>Rheumadoron</i>, une dilution homéopathique contre les rhumatismes<sup id="cite_ref-13" class="reference">13</sup>.</p>
<h2><span class="mw-headline" id="La_mandragore_dans_la_culture">La mandragore dans la culture</span></h2>
<h3><span class="mw-headline" id="Histoire_des_croyances">Histoire des croyances</span></h3>
<div class="thumb tright">
<div class="thumbinner"><img alt="Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)" src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f7/NaplesDioscuridesMandrake.jpg/220px-NaplesDioscuridesMandrake.jpg" decoding="async" width="220" height="259" class="thumbimage" srcset="//upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f7/NaplesDioscuridesMandrake.jpg/330px-NaplesDioscuridesMandrake.jpg 1.5x, //upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f7/NaplesDioscuridesMandrake.jpg/440px-NaplesDioscuridesMandrake.jpg 2x" data-file-width="2396" data-file-height="2819" title="Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)" />
<div class="thumbcaption">
<div class="magnify"></div>
Mandragores mâle et femelle. Manuscrit<span> </span><i>Dioscurides neapolitanus</i>, Biblioteca Nazionale di<span> </span>Napoli, début du<span> </span><abbr class="abbr" title="7ᵉ siècle"><span class="romain">vii</span><sup>e</sup></abbr> siècle.</div>
</div>
</div>
<p>En raison de la forme anthropomorphe (vaguement humaine) de sa racine, et de ses composés alcaloïdes psychotropes, la mandragore a été associée depuis l'Antiquité à des croyances et des rituels magiques.</p>
<h4><span id="Ancienne_.C3.89gypte_et_Proche-Orient"></span><span class="mw-headline" id="Ancienne_Égypte_et_Proche-Orient">Ancienne Égypte et Proche-Orient</span></h4>
<p>Une plante représentée sur le trône de<span> </span>Toutânkhamon<span> </span>pourrait être une mandragore<sup id="cite_ref-14" class="reference">14</sup><span> </span>mais cette plante n'étant pas indigène en Égypte, il aurait fallu qu'elle y soit cultivée. Il existe une longue tradition, remontant au Moyen Âge, consistant à identifier à la mandragore une plante citée dans la Bible, sous le nom de<span> </span><i>dudaim</i><sup id="cite_ref-lequellec_3-1" class="reference">3</sup>. Dans le trentième chapitre de la Genèse (compilée vers -440), il est fait mention d'une plante appelée<span> </span><i>dûda'îm</i><span> </span>dans le texte hébreu. Léa, la première épouse de Jacob, avait cessé d'enfanter. Ruben, leur fils aîné, rapporte à sa mère des<span> </span><i>dûda'îm</i>. Rachel, sœur de Léa, seconde épouse et la préférée de Jacob, demande à sa sœur de les lui donner. Celle-ci n'accepte qu'en échange de passer la nuit avec Jacob, à quoi Rachel consent. Léa concevra cette nuit-là et donnera plus tard naissance à<span> </span>Issachar<span> </span>en disant que Dieu lui a donné son salaire »<sup id="cite_ref-15" class="reference">N 1</sup><sup class="reference cite_virgule">,</sup><sup id="cite_ref-16" class="reference">15</sup>.</p>
<p>Le terme de<span> </span><i>Dûda'îm</i><span> </span>pose toujours le problème de sa traduction aux herméneutes, en raison de sa proximité avec<span> </span>David, DWD,<span> </span><i>Doud</i>, « bien-aimé »</p>
<h4><span id="Antiquit.C3.A9"></span><span class="mw-headline" id="Antiquité">Antiquité</span></h4>
<div class="thumb tright">
<div class="thumbinner"><img alt="Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)" src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/77/Papierblatt_%28Wiener_Dioskurides%29.jpg/170px-Papierblatt_%28Wiener_Dioskurides%29.jpg" decoding="async" width="170" height="244" class="thumbimage" srcset="//upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/77/Papierblatt_%28Wiener_Dioskurides%29.jpg/255px-Papierblatt_%28Wiener_Dioskurides%29.jpg 1.5x, //upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/77/Papierblatt_%28Wiener_Dioskurides%29.jpg/340px-Papierblatt_%28Wiener_Dioskurides%29.jpg 2x" data-file-width="1471" data-file-height="2113" title="Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)" />
<div class="thumbcaption">
<div class="magnify"></div>
La mandragore.<span> </span>Dioscoride de Vienne,<span> </span><abbr class="abbr" title="6ᵉ siècle"><span class="romain">vi</span><sup>e</sup></abbr> siècle</div>
</div>
</div>
<p>Les médecins grecs prescrivaient la mandragore contre la mélancolie et la dépression.<span> </span>Hippocrate, au<span> </span><abbr class="abbr" title="5ᵉ siècle"><span class="romain">v</span><sup>e</sup></abbr> siècle<span> </span><abbr class="abbr nowrap" title="avant Jésus-Christ">av. J.-C.</abbr>, conseillait<span> </span><span class="citation">« Aux gens tristes, malades et qui veulent s'étrangler, faites prendre le matin en boisson la racine de mandragore à dose moindre qu'il n'en faudrait pour causer le délire »</span><sup id="cite_ref-17" class="reference">16</sup>.</p>
<p>Au rapport de son élève<span> </span>Xénophon,<span> </span>Socrate<span> </span>parle déjà des effets sédatifs de la plante<sup id="cite_ref-18" class="reference">17</sup><sup class="reference cite_virgule">,</sup><sup id="cite_ref-19" class="reference">18</sup><sup class="reference cite_virgule">,</sup><sup id="cite_ref-20" class="reference">19</sup> ;<span> </span>Théophraste, élève d’Aristote, rapporte que la racine traite les maladies de peau et<span> </span>la goutte<span> </span>et que les feuilles sont efficaces pour soigner les blessures. Ses propriétés sédatives étaient connues puisqu’il dit qu’elle est bonne pour le sommeil<sup id="cite_ref-21" class="reference">20</sup><sup class="reference cite_virgule">,</sup><sup id="cite_ref-22" class="reference">21</sup><sup class="reference cite_virgule">,</sup><sup id="cite_ref-23" class="reference">22</sup>.</p>
<p>Sur le site turc de l'antique<span> </span>Magnésie du Méandre, des fouilles ont dévoilé un espace réservé, dans le stade de la cité, aux préparateurs de potions à base de mandragore, qu'ils fournissaient aux athlètes<sup id="cite_ref-24" class="reference">23</sup>. Au<span> </span><abbr class="abbr" title="1ᵉʳ siècle"><span class="romain">i</span><sup>er</sup></abbr> siècle de notre ère, le médecin grec<span> </span>Dioscoride<span> </span>en donne une description :<span> </span><span class="citation">« Il y a une espèce femelle, noire qui est appelée<span> </span><i>tridakias</i>, qui a des feuilles plus étroites et plus petites que la laitue, d'une odeur puante et forte, étendues sur le sol, ainsi que des « pommes » semblables à celles du sorbier, jaune pâle, d'une bonne odeur, dans lesquelles il y a une graine semblable à celle de la poire… Les feuilles de l'espèce mâle et blanche, que certains appellent<span> </span><i>morion</i>, sont claires, grandes, larges et lisses comme celles de la bette. Ses pommes sont deux fois plus grosses, de couleur safran, dégagent une odeur agréable relativement forte. Les bergers en mangent et s'endorment pour un certain temps. Sa racine est semblable à la précédente, mais plus grande et plus blanche. Elle n'a pas de tige non plus… »</span><sup id="cite_ref-25" class="reference">24</sup>.</p>
<p>Pline l'Ancien, naturaliste romain, en donne une description très proche à la même époque<sup id="cite_ref-Pline_26-0" class="reference">25</sup> :</p>
<dl>
<dd><small>« Il y a deux espèces : la blanche, considérée comme la mandragore mâle, et la noire, considérée comme la femelle, qui a des feuilles plus étroites que celles de la laitue, des tiges velues, et deux ou trois racines rougeâtres, blanches à l'intérieur, charnues et tendres, longues de près d'une coudée. Les deux portent des fruits de la grosseur des noisettes renfermant une graine comme un pépin de poire. »<sup id="cite_ref-27" class="reference">26</sup>.</small></dd>
</dl>
<p>On a identifié<sup id="cite_ref-ducourthial_28-0" class="reference">27</sup><span> </span>l'espèce mâle ou blanche à<span> </span><i>Mandragora officinarum</i><span> </span>L. et l'espèce femelle ou noire à<span> </span><i>Mandragora automnalis</i><span> </span>Bertol., espèce qui maintenant n'est plus qu'une forme possible de<span> </span><i>M. officinarum</i><span> </span>L.</p>
<p>Dioscoride énumère de nombreuses maladies où la mandragore est d'un grand secours. Un verre d'une décoction obtenue en faisant réduire la racine dans du vin est utile<span> </span><span class="citation">« quand on ne peut dormir, ou pour amortir une douleur véhémente, ou bien avant de cautériser ou couper un membre, pour se garder de sentir la douleur »</span><sup id="cite_ref-dios_29-0" class="reference">28</sup>. La racine préparée avec du vinaigre guérit les inflammations de la peau, avec du miel ou de l'huile, elle est bonne contre les piqures de serpent, avec de l'eau, elle traite les écrouelles et les abcès. Le jus fait venir les menstrues et précipite l'accouchement. Prudemment, Dioscoride met en garde contre la toxicité de la plante « Toutefois, il faut se garder d'en boire trop, car il [le jus] ferait mourir la personne ».</p>
<p>Pline nous signale aussi des indications proches de celles de Dioscoride. L'usage comme narcotique et analgésique revient toujours :</p>
<dl>
<dd><small>« On conserve les feuilles dans la saumure, et elles ont plus d'effet sinon le suc des plantes fraîches est un dangereux poison ; et encore, ainsi conservées, leurs propriétés nocives portent à la tête, même par la simple odeur… L'effet soporifique varie avec les forces du sujet ; la dose moyenne est d'un<span> </span>cyathe. On la fait boire aussi contre les serpents et avant les incisions et les piqûres pour insensibiliser »</small></dd>
</dl>
<p>Théophraste signale aussi des propriétés aphrodisiaques<sup id="cite_ref-30" class="reference">29</sup><span> </span>et<span> </span>Dioscoride<span> </span>indique qu'elle servait à confectionner des philtres<sup id="cite_ref-31" class="reference">30</sup>.</p>
<p>À côté de ces observations très pertinentes (connaissant maintenant les composés actifs de la plante), on trouve dans les textes d'autres considérations très déconcertantes pour nous. Par exemple, Théophraste nous indique que lors de la cueillette il faut</p>
<dl>
<dd><small>« tracer autour de la mandragore trois cercles avec une épée, couper en regardant vers le levant, danser autour de l'autre et dire le plus grand nombre possible de paroles grivoises » (H.P. IX, 8, 8).</small></dd>
</dl>
<p>Pour comprendre ces pratiques étranges, nous devons faire une petite digression sur l'histoire des sciences hellènes. De nombreux textes sur les plantes qui nous sont parvenus de l'Antiquité étaient écrits par des philosophes, des naturalistes ou des médecins. Les naturalistes étudiaient les plantes pour elles-mêmes et insistaient sur l'importance de l'observation. D'autres, comme les médecins, s'efforçaient de concevoir une approche expérimentale permettant d'identifier correctement les plantes et d'observer leurs effets thérapeutiques sur les malades. La constitution de nouveaux domaines de connaissance scientifiques autonomes se fit donc en se libérant de la religion et de la magie. Mais après les conquêtes moyen-orientales d'Alexandre le Grand<span> </span>au<span> </span><abbr class="abbr" title="4ᵉ siècle"><span class="romain">iv</span><sup>e</sup></abbr> siècle <abbr class="abbr nowrap" title="avant Jésus-Christ">av. J.-C.</abbr>, la pensée magique mésopotamienne et égyptienne fit une grande percée en Grèce.<span> </span><span class="citation">« À partir du<span> </span><abbr class="abbr" title="3ᵉ siècle"><span class="romain">iii</span><sup>e</sup></abbr> siècle <abbr class="abbr nowrap" title="avant Jésus-Christ">av. J.-C.</abbr><span> </span>précisément, la séduction de l'irrationnel sous des formes diverses commence à exercer des ravages jusque dans les milieux intéressés aux choses de l'esprit et à la connaissance du monde »</span><span> </span>(J. Beaujeu<sup id="cite_ref-32" class="reference">31</sup><span> </span>).</p>
<p>Les magiciens pensaient qu'il existait des relations intimes entre les différents objets et les différents êtres vivants. Pour eux, les plantes sont des êtres animés doués d'une âme, car étroitement soumises à l'action de divinités ou de forces astrales. Comme les médecins, ils désiraient soigner les malades mais ils avaient une tout autre conception de la maladie. Comme le dit Guy Ducourthial<sup id="cite_ref-ducourthial_28-1" class="reference">27</sup><span> </span><span class="citation">« Ils considèrent qu'elle n'a pas de cause naturelle, mais qu'elle est envoyée aux humains par des divinités pour les punir de leurs fautes. Pour guérir les individus malades, ils prétendent pouvoir contraindre ces divinités à détourner l'influence néfaste qu'elles exercent sur eux, mais aussi « maîtriser » un certain nombre de plantes qu'ils ont sélectionnées, c'est-à-dire les soumettre à leurs injonctions et les obliger à abandonner leurs propriétés pour qu'ils puissent en disposer à leur gré. Pour atteindre leur but, ils doivent accomplir un certain nombre de gestes précis et souvent mystérieux, prononcer incantations et formules secrètes et réciter des prières particulières, notamment lors de la récolte des plantes qu'il faut effectuer à des moments particuliers »</span>. Le cercle tracé autour de la plante crée un espace magiquement clos, enfermant la plante et permettant au magicien de s'en rendre maître. Les rituels magiques donnés par<span> </span>Théophraste<span> </span>sont repris par<span> </span>Pline l'Ancien, mais Dioscoride s'abstient d'en parler. En tant que plante magique, la mandragore est appelée<span> </span><i>kirkaia</i>, en référence à la magicienne<span> </span>Circé. Les<span> </span>astrologues<span> </span>ont attribué la mandragore au signe du<span> </span>Cancer<span> </span>(<i>karkinos</i>), qui régit le corps humain de la poitrine au ventre<sup id="cite_ref-ducourthial_28-2" class="reference">27</sup>. Il en résulte qu'elle contrôle la rate, organe responsable des accès de mélancolie.</p>
<h4><span id="Moyen_.C3.82ge_occidental"></span><span class="mw-headline" id="Moyen_Âge_occidental">Moyen Âge occidental</span></h4>
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<div class="thumbinner"><img alt="Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)" src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/68/Tacuinum_Sanitatis_Mandrake_Dog.jpg/220px-Tacuinum_Sanitatis_Mandrake_Dog.jpg" decoding="async" width="220" height="261" class="thumbimage" srcset="//upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/68/Tacuinum_Sanitatis_Mandrake_Dog.jpg/330px-Tacuinum_Sanitatis_Mandrake_Dog.jpg 1.5x, //upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/68/Tacuinum_Sanitatis_Mandrake_Dog.jpg/440px-Tacuinum_Sanitatis_Mandrake_Dog.jpg 2x" data-file-width="1944" data-file-height="2304" title="Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)" />
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Arrachage d'une mandragore. Manuscrit<span> </span><i>Tacuinum Sanitatis</i>, Bibliothèque nationale de<span> </span>Vienne, v. 1390.</div>
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<p>Le rituel d'arrachage de la mandragore change dès le début du Moyen Âge et peut-être même avant en Palestine. Le collecteur de mandragore qui entend le cri effroyable poussé par la plante lorsqu'il l'arrache du sol peut devenir fou et s'expose à la mort. On recommande ainsi de se boucher les oreilles avec de la cire, de l'attacher à un chien et attirer l'animal au loin, la malédiction s'abattant ainsi sur l'animal. Les textes<sup id="cite_ref-lequellec_3-2" class="reference">3</sup><span> </span>ajoutent même « que cette racine a en soi une telle puissance divine que, lorsqu'elle est extraite, au même moment, elle tue aussi le chien » (<i>Herbarius Apulei</i>, 1481). Le Quellec<sup id="cite_ref-lequellec_3-3" class="reference">3</sup><span> </span>fait remonter l'ancienneté de cette tradition au début du<span> </span><abbr class="abbr" title="6ᵉ siècle"><span class="romain">vi</span><sup>e</sup></abbr> siècle. En l'an 520, le manuscrit de<span> </span>Dioscoride de Vienne<span> </span>est illustré de deux miniatures sur lesquelles on voit une racine de mandragore attachée au cou d'un chien mort, gueule béante.</p>
<p>Au<span> </span><abbr class="abbr" title="1ᵉʳ siècle"><span class="romain">i</span><sup>er</sup></abbr> siècle,<span> </span>Flavius Josèphe<span> </span>avait déjà décrit dans<span> </span><i>la Guerre des Juifs</i>, VII, 6, 183, un rituel identique appliqué à l'arrachage d'une plante qu'il appelle<span> </span><i>baaras</i>. La plante est cependant mal identifiée et il n'est pas certain qu'il s'agisse de la mandragore comme Hugo Rahner (1954) l'a supposé.</p>
<p>Les précautions lors de la cueillette sont aussi énoncées dans les écrits de<span> </span>Paracelse<span> </span>(1493–1541). Pour se procurer la racine de mandragore si dangereuse, il fallait des<span> </span>rituels<span> </span>magiques. Celui qui arrache la mandragore sans précaution, s'il ne devient pas fou en entendant les hurlements de la plante, sera poursuivi par sa<span> </span>malédiction.</p>
<p>Selon les divers écrits décrivant les rituels, on sait qu'ils se déroulaient les nuits de pleine lune. Les mandragores qui poussaient au pied des<span> </span>gibets<span> </span>étaient très prisées car on les disait fécondées par le<span> </span>sperme<span> </span>des pendus, leur apportant vitalité, mais celles des places de<span> </span>supplice<span> </span>ou de<span> </span>crémation<span> </span>faisaient aussi parfaitement l'affaire. Des « prêtres » traçaient avec un poignard rituel trois cercles autour de la mandragore et creusaient ensuite pour dégager la racine, le cérémonial étant accompagné de<span> </span>prières<span> </span>et<span> </span>litanies. Une jeune fille était placée à côté de la plante pour lui tenir compagnie. On passait également une corde autour de la racine et on attachait l'autre extrémité au cou d'un chien noir affamé que l'on excitait au son du<span> </span>cor. Les prêtres appelaient alors au loin le chien pour qu'en tirant sur la corde il arrache la plante. La plante émettait lors de l'arrachage un cri d'agonie<span> </span>insoutenable, tuant l'animal et l'homme non éloigné aux oreilles non bouchées de cire. La racine devenait<span> </span>magique<span> </span>après lavage,<span> </span>macération<span> </span>et<span> </span>maturation<span> </span>en<span> </span>linceul ; elle représentait selon la<span> </span>théorie de la préformation, l'ébauche de l'homme, « petit homme planté » ou<span> </span><i>homonculus</i>. Ainsi choyée, elle restait éternellement fidèle à son maître jouissant d'un talisman procurant santé, fécondité et<span> </span>prospérité<span> </span>prodigieuse. Elle était vendue très cher en raison du risque à la cueillette, et ce d'autant plus que la forme était humaine, de préférence sexuée par la présence de touffes judicieusement disposées. Le renom de cette plante tient à la convergence de deux facteurs : des racines<span> </span>anthropomorphiques<span> </span>issues de la petite graine des hommes pendus, la destinant, selon la<span> </span>théorie des signatures, à des potions et philtres magiques des sorciers ; une teneur en alcaloïdes puissamment<span> </span>hallucinogènes<span> </span>(Atropine,<span> </span>hyoscyamine,<span> </span>scopolamine, etc.), permettant aux sorcières de voler grâce à leur<span> </span>balai magique. À noter qu'au Moyen Âge, époque où la pendaison est commune, il est possible que cette plante<span> </span>nitrophile<span> </span>se développait sous le gibet, grâce à l'azote apporté par le sperme des pendus à qui une strangulation violente occasionnait une ultime éjaculation<sup id="cite_ref-33" class="reference">32</sup>.</p>
<p>En Europe, on trouve à partir du<span> </span><abbr class="abbr" title="9ᵉ siècle"><span class="romain">ix</span><sup>e</sup></abbr> siècle dans la littérature médicale la description de narcose par inhalation d'une « éponge soporifique » (<span class="citation not_fr_quote" lang="la">« <span class="italique">spongia soporifera</span> »</span>). Une série de recettes allant du<span> </span><abbr class="abbr" title="9ᵉ siècle"><span class="romain">ix</span><sup>e</sup></abbr><span> </span>au<span> </span><abbr class="abbr" title="16ᵉ siècle"><span class="romain">xvi</span><sup>e</sup></abbr> siècle et provenant de divers pays nous sont parvenues. La plupart se trouvent dans des manuels de chirurgie ou dans des antidotaires<sup id="cite_ref-Baur_10-1" class="reference">10</sup>. La plus ancienne connue est celle de l'Antidotaire de Bamberg, Sigerist ; elle comporte de l'opium, de la mandragore, de la ciguë aquatique (cicute) et de la jusquiame. Au<span> </span><abbr class="abbr" title="12ᵉ siècle"><span class="romain">xii</span><sup>e</sup></abbr> siècle, à l’école de médecine de Salerne, Nicolaus Praepositus, pronait aussi dans son<span> </span><i>Antidotarium</i><span> </span>l'usage d'une éponge soporifique<sup id="cite_ref-Buck_11-1" class="reference">11</sup><span> </span>dans certaines opérations chirurgicales. Elle était imbibée d'un mélange de jusquiame, de jus de mûre et de laitue, de mandragore et de lierre.</p>
<h4><span id="D.C3.A9but_de_l.27.C3.A9poque_moderne"></span><span class="mw-headline" id="Début_de_l'époque_moderne">Début de l'époque moderne</span></h4>
<dl>
<dt>Onguent des sorcières</dt>
</dl>
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<div class="thumbinner"><img alt="Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)" src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8e/Mandragora_officinarum%2C_Nicolas_Robert.jpg/220px-Mandragora_officinarum%2C_Nicolas_Robert.jpg" decoding="async" width="220" height="293" class="thumbimage" srcset="//upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8e/Mandragora_officinarum%2C_Nicolas_Robert.jpg/330px-Mandragora_officinarum%2C_Nicolas_Robert.jpg 1.5x, //upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8e/Mandragora_officinarum%2C_Nicolas_Robert.jpg/440px-Mandragora_officinarum%2C_Nicolas_Robert.jpg 2x" data-file-width="1920" data-file-height="2560" title="Graines de Mandragore (Mandragora officinarum)" />
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<i>Mandragora officinarum</i>,<span> </span>Nicolas Robert, pour le<span> </span><i>Recueil des vélins</i><span> </span>de la<span> </span>Bibliothèque de Louis XIV, 1676, BNF</div>
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<p>On trouve aussi parfois la mandragore, la belladone et la jusquiame dans la composition d'onguents utilisés par les<span> </span>sorcières. Une croyance très répandue aux<span> </span><abbr class="abbr" title="16ᵉ siècle"><span class="romain">xvi</span><sup>e</sup></abbr><span> </span>et<span> </span><abbr class="abbr" title="17ᵉ siècle"><span class="romain">xvii</span><sup>e</sup></abbr> siècles, voulait que les sorcières s'enduisent le corps d'un onguent avant de s'envoler dans les airs, à cheval sur un balai ou une fourche, pour aller au<span> </span>sabbat. Il est suggéré que les effets des psychoactifs auraient été plus intenses si l’onguent avait été introduit dans le vagin , à l'aide d’un bâton ou d’un manche à balai<sup id="cite_ref-colloque_34-0" class="reference">33</sup>.</p>
<p>Les accusations qui conduisaient les sorcières au bûcher comportaient deux composants : les maléfices et le pacte avec le<span> </span>Diable. L'action judiciaire s'ouvrait sur une plainte pour les maléfices répétées d'une jeteuse de sort qui était censée provoquer la mort de nouveau-nés, faire tomber la grêle sur les récoltes, etc. L'accusation d'assistance au sabbat n'apparaissait que plus tard, lorsque les juges ecclésiastiques s'emparaient du dossier. À l'époque, tout le monde croyait au Diable. Il ne faisait pas l'ombre d'un doute, qu'en concluant un pacte avec le Diable, la sorcière pouvait accomplir des maléfices redoutables et travailler à la ruine de l'Église et de l'État. Des dizaines de milliers de sorciers et sorcières furent ainsi envoyés au bûcher en toute bonne conscience des autorités. Seuls quelques scientifiques et médecins humanistes dénoncèrent ces persécutions et osèrent soutenir que le sabbat n'était qu'une illusion.</p>
<p>Le problème de la réalité du sabbat fut d'ailleurs posé à peu près en ces termes par des scientifiques dès le<span> </span><abbr class="abbr" title="16ᵉ siècle"><span class="romain">xvi</span><sup>e</sup></abbr> siècle, quant à savoir si la description d'assemblées démoniaques et de leur prodiges - vol, métamorphose en bête - a une réalité objective ou si elle est le résultat de la consommation de drogues hallucinogènes. Dès cette époque, un médecin et humaniste espagnol,<span> </span>Andrés Laguna, arrive à la conclusion que tout ce que croyaient faire les sorcières était le résultat de la prise de substances narcotiques<sup id="cite_ref-colloque_34-1" class="reference">33</sup>, et donc que le sabbat était le produit de leur seule imagination. Laguna raconte, dans son commentaire de<span> </span>Dioscoride<span> </span>(1555), comment, se trouvant en Lorraine, il fut le témoin de l'arrestation et de la condamnation à mort sur le bûcher de deux vieillards accusés de sorcellerie. Il se procura alors l'onguent qui avait été trouvé dans l'ermitage où ils vivaient pour tester l'effet d'un tel produit. Il fit enduire entièrement une de ses patientes insomniaque. Celle-ci tomba aussitôt dans un profond sommeil et se réveilla trente-cinq heures plus tard en disant à son mari en souriant qu'elle l'avait cocufié avec un beau jeune homme. Pour Laguna le liniment était fabriqué avec<span> </span><span class="citation">« des herbes au dernier degré froides et soporifiques, comme sont la ciguë, la morelle endormante, la jusquiame et la mandragore »</span><sup id="cite_ref-colloque_34-2" class="reference">33</sup>.</p>
<p><span class="need_ref" title="Ce passage nécessite une référence.">Les nombreuses études historiques quant aux aveux des sorcières ne permettent toutefois pas de conclure que les sorcières étaient des droguées. Si le témoignage de quelques sorcières utilisant des drogues hallucinogènes existe, le phénomène n'était pas généralisé et ne peut constituer une explication générale. La mandragore est aussi utilisée dans certains rituels du culte vaudou.</span></p>
MHS 16 (5 S)